just a dream (poppy)

Assise en tailleur sur son lit, Poppy scrute la petite bouille de Zack, allongé devant elle, qui est régulièrement illuminé par les sourires qu'il esquisse ou les éclats de rires qui s'échappent de ses lèvres, amusé par les grimaces éphémères que Poppy affiche sur son visage. Et pendant, un moment, elle oublie, Poppy. Elle oublie, tout. Et pourtant, quand elle plonge son regard dans les billes sombres de son fils, ce n'est plus ses traits qu'elle déchiffre mais les siens. Elias. Elle jette un coup d’œil à son réveil qui trône sur sa table de chevet, Poppy attend que les minutes s'envolent un peu plus tout en sachant qu'elle ne pourrait pas échapper à l'inévitable. Elle doit aller le trouver, lui parler, lui expliquer. Pourquoi elle est partie, pourquoi elle a fuit. Elle est bien trop belle pour passer le reste de sa vie dans une combinaison orange hideuse et informe, la duchesse. Elle se résigne, la belle. Elle avait toujours aimé les confrontations, elle est avocate, Poppy, elle est très douée pour ça mais, c'était différent cette fois-ci. Elle l'a brisé, et pire l'a laissé asphyxié dans sa propre douleur afin de le rendre aussi misérable qu'il l'avait fait se sentir transparente. Mission réussie sauf qu'elle s'est abîmée Poppy et doit rouvrir ses propres plaies qui gangrènent son cœur encore meurtri par l'ignorance pour pouvoir espérer réparer le désastre qu'elle a crée et laissé pourrir dans le sillon de son départ précipité.

Elle dépose Zack dans son lit à barreau tout en caressant une dernière fois ses joues. Elle s'arrache, malgré elle, à la contemplation de ce petit être si parfait. Elle est déterminée Poppy, convaincue que tout se passera bien -aussi bien que possible- parce qu'elle s'appelle Poppy Lovell et que personne ne lui a jamais résisté bien longtemps, surtout pas Elias. Elle jette un regard furtif dans le miroir, l'air satisfaite, elle s'embaume simplement de son parfum, elle en abuse pour se donner du courage et parce qu'elle la sente arriver comme une proie sentirait un prédateur. Elle ne doit pas perdre l'avantage, Poppy : elle n'aime pas être prise au dépourvu alors, les surprises, c'est elle qui les fait. Armée d'une confiance en soi, retrouvée, Poppy dévale les escaliers, manquant de tomber après raté une marche. Maudit escalier. ronchonna t-elle intérieurement. Aux pieds de ces derniers, elle abandonna donc ses chaussures de ville inadaptées au profit de bottes en caoutchouc impunément négligées, ornées de bouses de cheval et autres résidus. Parfois, il fallait mieux ne rien savoir. Ni une, ni deux, enfin prête, elle sort de chez ses parents où elle avait trouvé refuge. Elle monte dans l'habitacle du pick-up de son père. Elle sait qu'il laisse toujours les clés sur le contact en cas d'urgence. Elle démarre le monstre d'acier. Elle ne sait pas où Elias se trouve, pas exactement, alors elle suit son instinct qui la ramène sur les traces de son passé, un passé récent déjà cimenté. Elle retourne chez elle, chez eux.

Il est là. Sa voiture est là. La maison tombe en décrépitude, rien d'étonnant pour la jeune femme, elle faisait tout à l'intérieur. Elle laisse s'échapper un soupir lorsqu'elle réalise qu'elle avait fui en laissant ses clés derrière elle, comme tout le reste. Elle a toujours soigné ses entrées, Poppy, allait chercher la clé de secours et rentrer par la porte principale était bien trop prévisible. Et, elle se doute bien, qu'Elias n'a pris de faire repérer la porte de la véranda qui ne se fermait plus correctement. Elle s'approche à pas feutrés, force sur la poignée qui finit par lui céder. Elle se faufile à l'intérieur. Son palpitant se serre lorsque ses yeux se posent sur tout ce qu'elle avait abandonné : les jouets de Zack qui jonchent le sol recouverts d'une pellicule de poussière, plus ou moins épaisse et lui. Élias. Devant elle. Elle laisse s'échapper un soupir de soulagement  alors que son regard se fige et elle ne voit plus que lui. Il croit halluciner, un petit sourire se dessine alors sur les lèvres de la jeune femme. « Tu crois vraiment que tu peux te débarrasser de moi aussi facilement ? » susurre t-elle d'une voix suave alors qu'elle avale la distance qui la sépare de lui. La réponse était non. Il faisait partie d'elle comme elle faisait partie de lui. Elle fait courir ses doigts sur son torse comme pour lui prouver qu'elle est belle et bien réelle, elle esquisse une grimace lorsqu'elle remarque sa blessure mais, elle ne s'arrête pas, au contraire, elle prend un malin plaisir à faire pression dessus. « Tu vois, je suis réelle.» commence t-elle d'une voix posée. Il lui en voulait mais, cela ne durerait pas longtemps, elle le savait, il l'aimait trop pour ça. « Et, il faut qu'on parle Elias... » continue t-elle de but en blanc sauf qu'elle ne sait pas encore sur quel pieds danser, quel homme elle va découvrir et surtout quoi lui dire.

Elle affiche un mine taquine Poppy. Une carapace pour rester maître de la situation. Mais, sous son épiderme, elle bout telle une bombe à retardement à l'image de la rêveuse désillusionnée, l'épouse bafouée, la femme mutilée par cet amour destructeur qu'elle est. Des questions brûlent ses lèvres et consument ses pensées. Sa fuite, censée être salvatrice s'était révélée être plus dévastatrice pour Poppy à la fois instigatrice et victime de sa manœuvre machiavélique. Et pourtant, malgré toutes les interrogations qui parasitaient son esprit, elle s’efforce de rester calme, diplôme, c'est sa meilleure chance, elle ne le sait que trop bien. Elle ne regrette pas son acte mais, elle n'en ai pas pour autant aussi fier qu'au moment où l'idée a germé dans son esprit. Même si à l'époque, la fuite lui semblait le seul moyen d'échapper à sa vie devenue suffocante, elle a toujours su qu'enlever Zack à son père n'était pas juste mais ne pouvait pas envisager de l'abandonner, lui; qui n'avait rien fait. Un choix répréhensible et égoïste mais, elle l'est Poppy parfois.

Elle le regarde s'éloigner d'elle et pendant quelques secondes, sa main caresse le vide, le fossé métaphorique qu'il tentait d’instaurer. Comme s'il pouvait. Elle ne le laisserait pas faire, pas cette fois. Elle s'avance de nouveau et elle le fera encore et encore jusqu'à ce qu'il ne puisse plus avancer. Il ne s'échapperait pas et elle ne fuirait plus. Son regard reste planter dans le sien alors qu'elle l'écoute formuler sa question. Une question logique, rhétorique bien qu'un peu idiote. Elle n'avait pas abandonner Zack dans une poubelle. Si elle était là, il l'était aussi. « Il va très bien, Elias. » finit-elle simplement par articuler. Elle reste vague, elle sait que Zack est son arme la plus précieuse mais elle n'a pas envie de remuer le couteau dans la plaie alors elle tait tous ses progrès comme le fait qu'il a plus ou moins prononcé son premier mot : papa. C'est une des raisons qui l'a poussé à revenir, elle ne l'avouera jamais, Poppy, elle a honte.

Elle l'écoute attentivement, tous les mots qu'il prononce, elle les analysent. Elle se prépare mentalement à la joute verbale qui semble inévitable. « Ils savent que je suis en ville, Elias. » s'exclame t-elle alors que son ton commençait à laisser transparaître toute la colère refoulée, emprisonnée en son être. « Tu peux me reprocher de t'avoir enlever Zack mais, je ne suis pas la seule à blâmer dans cette histoire, mon chéri alors tu ferais mieux de te préoccuper ton cas. » s'énerve t-elle.  Elle se rend compte que son pire ennemi ce n'est peut-être pas Elias mais, le poison qui coule dans ses veines. Il ne l'avait sûrement pas utiliser que pour désinfecter sa blessure. Elle a senti son allène imbibée d'alcool pendant sa longue tirade et elle déteste ça, la belle. Alors, pour une fois, elle l'écoute, lui obéit. Il s'en contrefichait de ce qu'elle avait à dire ?  Elle ne dirait plus rien alors elle se recule et en faisant volte-face lui lance un amer « Rattrape moi si tu l'oses, cette fois. » Une remarque piquante teintée de reproches, de son vrai reproche. Poppy, c'est tout ce qu'elle attendait, c'est tout ce qu'elle avait attendu lors de sa fuite. Elle avait rêver de le voir débarquer dans sa chambre d'hôtel. Il aurait du se réveiller au lieu de se noyer. Il aurait du remuer ciel et terre pour elle, pour eux, au lieu de se morfondre. C'est ce qu'elle méritait Poppy. C'est ce qu'elle voulait.

Elle le regarde, les traits emprunts de la même incompréhension, une expression qui semble sculpté sur son visage. Poppy sait qu'elle l'a détruit, de la même façon qu'il l'avait anéanti à force de silence et de questions bancales. Mais, Poppy, elle reste persuadée malgré tout, qu'ils ne pourront se reconstruire qu'ensemble. S'ils sont capables de faire ressortir la pire facette de l'autre, ils peuvent aussi faire ressortir le meilleur. Ne dit-on pas pour le meilleur et pour le pire ? Certes, de l'encre noircis sur une encre de papier avait annihilé cette promesse mais, Poppy, s'en fiche du morceau de papier. Ce qui la lie à Élias, c'est bien plus que ça. Elle jette un coup d’œil à son alliance qu'elle n'a toujours pas enlever, qu'elle ne veut pas enlever. Elle plante son regarde dans celui d'Elias, si beau et pourtant si triste, elle a du mal à soutenir son regard mais, elle ne peut pas non plus s'en détacher, malgré toute la douleur, la colère qui l'emplit mêle à une douceur froide qui refait surface peu à peu . Elle l'aime et elle ne peut pas se résoudre à laisser partir l'amour de sa vie, la princesse. Ce n'est pas comme ça que les contes de fées se terminent et en dépit de l'enfer dans lequel ils se trouvaient, elle y croit encore peut-être parce qu'elle est naïve ou parce qu'elle s'est rendue compte que son monde n'était pas son monde s'il n'en faisait pas parti.

Elle l'écoute encore et toujours alors qu'elle contemple l'étendue de ses erreurs. Elle avait été tellement heureuse dans cette maison mais, aussi profondément triste et pourtant lorsqu'elle regarde autour d'elle, seuls les bons souvenirs ressurgissent : les discussions animées qu'ils avaient eu lorsqu'il avait fallu décider de la couleur des murs, la première fois qu'il allait passer le pas de cette porte et lorsqu'ils avaient ramener Zack à la maison après sa naissance. Involontairement, ses yeux s'embuent de larmes. Nostalgique, coupable et blessée. Les paroles qu’Élias prononcent la cisaille et l'entaille grandie au son sa voix. « J'ai fais une erreur Élias … » avoue t-elle « mais, le déclencheur c'est toi... » continue t-elle. Elle contenir ses larmes, elle ne s'est jamais sentie aussi vulnérable, montrée aussi vulnérable « Et, il n'y a pas de «quelqu'un d'autre », Elias. J'ai tout sacrifié pour toi : ma carrière, mes ambitions, ma vie parce que tu es le seul que j'ai jamais aimé, je ne pourrais jamais aimé quelqu'un d'autre que toi » confesse t-elle, jamais la vérité brute n'avait franchi la barrière de ses lèvres avant aujourd'hui. On l'avait éduqué pour être forte, entraîné à dissimuler ses faiblesses mais jamais à se débarrasser de ce poids. « Je n'ai pas fui parce que je ne t'aimais plus. Je suis parce que j'étais parce que je ne supportais pas le fait d'être devenue invisible à tes yeux alors j'ai vraiment fini par le devenir Elias. Je t'ai peut-être brisé en faisant ceci mais, toi, toi tu m'as détruite bien avant » conclut-elle alors que les larmes coulent encore sur son visage. Elle se sent soulagée, libérée du fardeau qui n'avait cessé de la hanter. Elle s'était souvent imaginé ce qu'elle dirait lorsqu'elle se tendrait à nouveau devant lui.

Des frissons la parcourt lorsqu'elle sent la main rugueuse d'Elias se poser sur son épaule. Une enveloppe douce qui ne traduit pas son aigreur. Elle a toujours de l'emprise sur lui, elle le sait mais, au lieu de s'en réjouir, elle est soulagée. Il l'arrête enfin dans sa courte alors elle lui fait face une nouvelle fois, se rapproche dangereusement de lui, une nouvelle fois sans pour autant entreprendre quoi que ce soit. « Ce n'est pas un jeu. J'ai lutté pour toi. Tu aurais du te battre pour moi. J'avais tous les hommes à mes pieds et je t'ai choisi toi, ce sera toujours toi mais, je refuse de passer après quelqu'un d'autre même Zack. » proclame-elle. Elle ne tenait pas à redevenir un objet dont il finirait par se lasser, encore. « J'ai eu tort de pas te donner le choix alors je te le donne maintenant … Laisse moi partir ou retiens moi. » répète alors qu'elle plonge à nouveau son regard dans ses pupilles.

Les larmes qui coulent sur ses joues s'estompent peu à peu alors que ses yeux trahissent sa tristesse autant que son soulagement. Elle a dit tout ce qu'elle avait à dire, d'une certaine manière son cœur était redevenu léger, presque rempli d'une insouciance de nouveau retrouvée. Elle ne peut plus rien faire désormais, elle s'est montrée sans défense pour la première fois depuis longtemps, depuis toujours même peut-être. Quand on avait grandi dans le même contexte qu'elle, dans la même famille qu'elle, on comprends vite que les apparences sont primordiales, cruciales et que montrer ses failles est une faiblesse, une chose indigne, presque impardonnable chez les Lovell. Elle ne joue plus, plus vraiment, Poppy, pas quand il y a tant en jeu, pas quand il y a Zack. Elle n'est pas idiote, elle sait qu'elle gagnerait contre Élias, mais, si elle pouvait éviter de se battre et le reconquérir en même temps, elle le ferait. Pour elle, pour eux. Elle n'est rien sans lui, il l'avait rendu dépendante à ne pas vouloir qu'elle travaille, qu'elle élève Zack et elle s'y était pliée parce qu'elle se pensait princesse avant de se voir comme une servante et jamais, jamais, elle ne le redeviendrait. Un éclair traverse ses yeux encore humide lorsqu'elle entends les mots qui sortent de sa bouche : des mots qui marquent, des mots qui blessent comme si ses explications n'avait eu aucune incidence. Elle reste calme pourtant, elle se sent vide après avoir autant pleuré. « M'aurais-tu seulement écouter, Elias ? Tu ne sembles pas vraiment m'entendre même aujourd'hui. Après tout ce que je viens de dire, comment oses-tu me dire ça ? J'ai fais des erreurs mais j'ai aussi fait des sacrifices et je ne le regrette pas parce qu'il n'y a rien de plus magique que de le voir grandir mais, maintenant, j'ai besoin d'un peu plus de temps pour moi. » finit-elle par répondre. « Zack sera toujours ma priorité et c'est pour ça que je ne travaille qu'à mi-temps mais, j'ai besoin de ça » continua t-elle. Elle a besoin de son travail, comme Élias avait besoin de ses cheveux. Elle ne demandait pas plus, la belle et elle ne le laisserait plus le choix. Ce n'était pas une fille de la campagne, elle ne s'arrêterait jamais de travailler pour élever ses enfants, malgré tout l'amour qu'elle portait à son fils parce qu'elle savait que s'était la meilleure chose à faire pour eux afin qu'elle se retrouve et qu'elle puisse offrir le meilleur avenir possible à Zack et à ses hypothétiques autres enfants.

Elle est plus apaisée Poppy, peut-être parce que sa culpabilité s'évapore peu à peu grâce à Élias qui malgré toute cette situation restait calme alors qu'il avait tout les droits d'être énervé. Il était l'eau et elle était le feu. Une association parfaite bien que contradictoire. « Et tu m'as choisi aussi. Et je sais que tu as fais des efforts pour moi, que tu as supporté ma famille pour moi, que tu as essayé devenir l'homme que mon père croit que je mérite mais, la vérité c'est que je suis tombée amoureuse parce que tu ne l'étais pas, tu étais juste toi. alors... » Elle s'arrête net dans sa phrase Poppy « Mon père a fait quoi ? » demande t-elle le souffle court, elle qui ignoré tout de l'implication de son paternel dans cette affaire bien qu'elle avait toujours été consciente du fait qu'il n'avait jamais trouvé Élias digne d'elle. « Je t'interdis de dire que personne ne me mérite dans cette ville. Je ne l'aime pas vraiment mais, mon rêve, c'est ici qu'il s'est réalisé avec toi et Zack alors le reste je m'en fiche Élias, royalement. » lâche-elle d'une voix douce mais sèche, elle déteste ce genre de prétexte, Poppy. « Je savais parfaitement ce que t'épouserait impliquerait, ce qu'avoir Zack impliquerait. Je ne te demanderais jamais de changer et si tu ne l'as toujours pas compris, c'est que tu es un idiot mais, tu es le mien que tu le veuille ou non. Je ne peux pas te promettre que ce sera parfait, ça ne le sera pas mais, je pense que ça en vaudra la peine. » dit-elle alors que son doigt venait caresser sa peau. Un électrochoc. Elle ferme les yeux pendant une fraction de seconde cherchant à graver ce moment dans sa mémoire. Ca lui avait manqué. Elle rapproche dangereusement son visage du sien avant de saisir délicatement sa main, cette main qui avait essuyé ses larmes restantes. Pourtant, elle ne la lâche pas alors qu'elle devrait, elle le sait. Elle plante son regard dans le sien et pendant quelques instants une ride barre son front d'habitude si lisse. Elle dépose sur ses lèvres un baiser aussi furtif qu'un battement d'aile de papillon. « Je sais ce que je veux … c'est à toi de prendre une décision maintenant . » souffle-elle, le goût de leur baiser éphémère -qu'elle avait oublié- encore sur ses lèvres. Elle ne lui en donnerait pas plus à moins qu'il ne vienne le chercher.